Saint Glinglin by Raymond Queneau

Saint Glinglin by Raymond Queneau

Author:Raymond Queneau [Queneau, Raymond]
Language: fra
Format: epub
Tags: Littérature, Roman, Oulipo, Littérature Française, 20ème Siècle, Litt. française, Litt. française XXe & XXIe
ISBN: 2072242649
Publisher: Gallimard Pléiade
Published: 2013-12-31T23:00:00+00:00


VII. SAINT GLINGLIN

Il pleuvait à pierre fendre[1].

Paul situa dans un coin de la boutique un dégoulinant de flotte objet dont les commerçants hilares commençaient à imposer l’usage venu de l’Étranger. Bien qu’il eût ordonné la fermeture de toutes les salles de projection cinématographique, ainsi d’ailleurs que les baromètres, il se laissait parfois tenter par les coutumes des Touristes, ne se risquant pas encore toutefois à revêtir un imperméable ouateurproufe, vêture passant pour très excentrique.

Il[a] regarda la sculture[2] et testa du hochet. Pierre continuait à marteler le marbre, à coups réguliers et régulièrement maladroits. Il était en train de faire un bout de bras et travaillait dans le modelé. Il finit par se décider à saluer son frère et comme il pleuvait (il pleuvait à verso et à hecto) il lui dit (à son frère) :

« Mauvais temps, hein. »

Bien que ce fût à cause de lui qu’il était comme ça, le ouézeur. Et d’autres fois, Pierre disait :

« Sale temps, hein. »

Ou bien encore :

« Il ne fait pas beau aujourd’hui. »

Il aurait pu trouver autre chose depuis qu’il n’arrêtait pas de pleuvoir, mais ces formules paraissaient suffisantes à Pierre aussi bien d’ailleurs qu’au reste de la population qui, chaque matin, constatait l’état poreux du ciel avec la même frénésie consciencieuse.

Pour de semblables raisons, Paul répondit :

« Oui, il pleut. »

Il s’essprimait avec simplicité.

Mais il n’en était pas pour cela plus satisfait du travail du frangin ékseumaire et ces paroles dites, conserva l’air suspicieux qu’il s’était adjugé en entrant et qui baignait son visage dès qu’il egzaminait l’œuvre en cours.

« C’est un bras ? demanda-t-il avec scepticisme.

— Ça ?

— Oui ça.

— C’est un bras.

— Il n’a pas de poils, dit Paul.

— On ne fait jamais les poils des bras sur une statue.

— Le père en avait des poils[3]. Il était même très toisonné.

— Ça ne se fait pas dans le marbre », dit Pierre agacé.

Paul hocha le chef.

« Et ça ?

— C’est une patte.

— Alors ? Pas de poils non plus ? »

Pierre posa le maillet, s’éloigna de la pierre pour s’asseoir.

« Écoute Paul, qu’il commença. Je vais te dire une bonne chose. C’est-il toi, c’est-il moi le plasmateur[4] ? Oui, qui est le sculteur ? Est-ce toi ? Ou moi ?

— Ni l’un ni l’autre, dit Paul. Je suis maire, et toi : marbrier.

— Je fus maire, tu ne fus jamais marbrier. »

Il reprit le maillet.

« Quel labeur ! Quelle persécution !

— Bonjour Éveline, dit Paul. Vous ne trouvez pas qu’il devrait lui faire le poil sur les bras ? Aux jambes surtout. Car s’il en avait le vieux : vous m’avez compris.

— Allez vous faire entendre ailleurs, dit Éveline.

— Il vient m’embêter, dit Pierre.

— Fichez-lui donc la paix. »

Elle s’assit et enfila des bottes.

« Je vais aller acheter des gâteaux secs », dit-elle à Pierre.

Paul la regardait enfiler ses bottes. Elle avait des jambes assez bien.

« Vous n’avez pas de protège-pluie ? lui demanda Paul.

— C’est bien trop cher, et puis c’est snob. Ce n’est pas un truc de chez nous.



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